Madeline Turban

En surimpression sur la photographie de Tristan Tzara par Man Ray

 

Madeleine Turban est évoquée dans certaines biographies de Duchamp, par exemple le Marcel Duchamp – La Vie à crédit de Bernard Marcadé (Flammarion, 2007). Deux pages en particulier lui sont consacrées dans le « Plan pour écrire une vie de Marcel Duchamp » de Jennifer Gough-Cooper et Jaques Caumont, accompagnement du déroulement de son existence jusqu’au départ des USA le 13 août 1918. Pontus Hulten, directeur du Musée national d’art moderne au Centre Georges Pompidou, l’avait accueilli en 1977 dans un livret richement illustré, Marcel Duchamp (voir p. 88-89 ; portrait de Madeleine Turban p. 92).

« Toute jeune femme rouennaise d’un diamantaire parisien » dont elle est en train de s’éloigner selon Jennifer Gough-Cooper et Jaques Caumont, apparentée à un notaire de Rouen, Me Louis Turban, dont la famille connaissait celle de Duchamp, Madeleine Turban est venue à New-York pendant la guerre pour organiser une vente au profit de la Croix-Rouge. Le 22 novembre 1917, elle a rencontré Marcel Duchamp dont des amis français communs lui ont donné l’adresse. Dès le lendemain, elle accepte son invitation à dîner dans un restaurant à la mode avec Henri-Pierre Roché et Edgar Varèse. Elle s’installe bientôt chez Duchamp pour qui elle devient « Mad ». Celui-ci la fait passer pour sa sœur Magdeleine auprès de la grande collectionneuse Katherine Dreyer et l’introduit dans le cercle mouvementé de ses relations new-yorkaises.

Comme le rappellent Billy Klüver et Julie Martin dans leur remarquable Kiki et Montparnasse (Flammarion, 1989, p. 108), la photographie de Tristan Tzara a été prise par Man Ray en octobre 1921, à l’époque où Tzara est logé dans une chambre qui dépend d’un appartement situé 22, rue La Condamine, dans le quartier des Batignolles.

À partir de données fournies par des documents et par plusieurs biographies, on voit que l’appartement, à la location duquel Eugène Duchamp, le père de famille, semble avoir subvenu (voir la lettre de Marcel à sa sœur Suzanne en date du 15 janvier 1916), a été occupé par plusieurs membres de la famille au gré du jeu glissant des unions et des séparations. Vers 1916, il est habité par Suzanne Duchamp ; elle y sera rejointe par le peintre Jean Crotti, qui va devenir son époux lorsque le divorce de celui-ci d’avec Yvonne Chastel aura été prononcé. Il est occupé ensuite par la seule Yvonne Chastel qui, tout en restant liée à Henri-Pierre Roché, ami fidèle de Duchamp et futur auteur de Jules et Jim, sera la « partenaire amoureuse privilégiée » de Duchamp selon la formule de Bernard Marcadé.

À son second retour des USA en juin 1921, Marcel Duchamp rejoint Yvonne rue La Condamine. Man Ray, qui s’est lié d’amitié avec Duchamp en Amérique et qui a été convaincu par lui de s’installer à Paris, débarque au Havre le 14 juillet. Il va se retrouver d’abord dans un petit hôtel de Passy, puis, grâce à Duchamp et à partir d’août, dans la chambre sous les toits de la rue La Condamine, ceci avant que Tzara ne s’y installe quelque temps à son tour.

Revenons à la photographie représentant Tzara juché en haut de l’échelle. Ainsi que l’écrivent Billy Klüver et Julie Martin, Man Ray « surimpressionna un cliché de Madeleine Turban avec un autre de Tristan Tzara, les deux pris rue La Condamine ». Ils précisent dans une note qu’« il existe deux versions de cette photographie, l’image de la femme étant légèrement décalée par rapport à Tristan Tzara », ce qu’on peut facilement vérifier.

[…]

Début de l’article d’Étienne-Alain Hubert à paraître dans le numéro 149 d’Infosurr, suite à l’appel à renseignement publié sur notre site : Qui était la femme ? Avis de recherche

Addenda : Madeleine Turban et Jacques Doucet semblent avoir été les seuls souscripteurs de l’Obligation pour la roulette de Monte-Carlo.