Chronique d’un échouage est le seul « écrit narratif » de Nora Mitrani. Un climat étrange s’installe dans cette « chronique » dans laquelle un bateau s’échoue sur le Rhône : en attendant le remorquage, la narratrice observe et raconte les 5 personnages coincés en huis clos. Ce n’est pas vraiment un roman mais plutôt, comme l’observait justement Julien Gracq, un « texte savamment disloqué, sujet de nouvelle traîtreusement, malignement désarticulé ».
Les allers et venues des personnages sont très placidement observés, dans des fragments de « journal de bord », et quelques scènes étonnantes viennent tordre cette narration, comme la rencontre étonnante avec un aveugle collectionneur d’objets érotiques.
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Rabourdin retrace l’itinéraire de Nora Mitrani, qui passa d’une thèse sur des philosophes chrétiens à la sociologie aux côtés d’Edgar Morin, mais qui sera d’un engagement indéfectiblement surréaliste. Elle sera de toutes les actions surréalistes de 1947 à sa mort. Elle reste ainsi dans la mémoire du surréalisme comme une voix qui « ignore le tiède », pour reprendre les mots admiratifs de Gracq.
Extrait de l’article de Richard Walter, dans Infosurr n° 147.
Nora Mitrani, Chronique d’un échouage, Nantes, L’OEil ébloui, juin 2019.