Notes de lecture retrouvées
(1) Lecture intéressante et émouvante où l’on retrouve André Breton hésitant, parfois déprimé, souvent malade, amoureux inquiet, traînant son « pessimisme général » (p. 190) et cela fourmille de croustillants pour Georges Sebbag. Mais Breton, par un jeu de question-réponse, semble bien a nous autoriser à mettre notre nez dans ses affaires :
« Aimez-vous la lecture des faits-divers ? Moi, je suis d’assez loin les grandes actualités, si j’ai le goût (baudelairien) de ces ”choses vécues” » (p. 72). Cela nous permet donc de lire André Breton, L’amour-folie et André Breton 1713-1966 des siècles boules de neige, ainsi que ces Lettres, totalement déculpabilisé.
Revenant sur les choses vécues, il évoque Huysmans (p. 283) : « En rade, quelle merveille. Huysmans, presque le seul auteur dont je pense qu’il a vraiment écrit pour moi, et si je n’avais pas dû exister, il n’eût pas été ce qu’il est. […] Huysmans me rend difficile. Ce n’est pas seulement l’humain qu’il faut atteindre et que si peu atteignent, c’est le vital. ».
(2) Ceci dit, dans ces Lettres, il est question de Philippe Soupault aux pages : 40-41, 56, 60, 62-63, 80, 85, (86), 87, (88), 114, 134, 136, 139-140, 144-146, 149, 153, 158, 163, 173-175, 178, 180, 184, 186, 189, (195), (198), 204, 211, 273, 228-229, 235, (259) (les parenthèse indiquant les occurrences subliminales).
Cela commence par : « Soupault, c’est la poésie du moment, le tact prodigieux, le bel espace qui glisse, les lettres VINS en gros pointillé bleu sur la glace du café, l’enfance désobéissante, le qu’en-dira-t-on, les graffiti, l’oiseau-lyre, l’enveloppe vide » (pp. 40-41); se poursuit avec « J’en suis pour un choc émotif énorme; évidemment dans mes affections les plus solides, Vaché ou Soupault, il y a grandement place pour la personne, – […] et quand je me représente Soupault, c’est comme un joli animal indéterminé qui tiendrait le milieu entre la belette et le lynx – mais il est certain que le n’ai jamais cru être aimé de même » (p. 60).
Pour grincer plus tard : « M. Soupault » (p. 228), « il y a tout lieu de craindre à quelque tours de Soupault (p. 229), puis s’étioler… Beaucoup de ces petites remarques font penser à une relation passionnelle entre Breton et Soupault, pimentée de jalousie. 1927, la paille et la poutre : l’un écrivaille (que vaille) pendant que l’autre communi(st)e…
(3) En ce qui concerne Benjamin Péret, il est évoqué aux pages : 150, 158, 165, 176, 181, 188, 223, 225, 230-231, (239), 241-243, 257, (259), 264, 289, 292, 305 et 37.
Il ne semble pas toujours le bienvenu : « Péret a tenu à m’accompagner rue de Noisiel, sous prétexte d’écrire un conte. Ce n’est pas le compagnon rêvé, comme tu sais » (p. 176). Les autres occurrences consistent en des actes de présence à telle ou telle réunion de groupe.
(4) Une note (p. 163) nous rappelle que nous étions déjà libérés de la Banalyse en mai 1923 : Aragon, Breton, Morise et Vitrac s’adonnent à une dérive, à pied, sur les routes à partie d’une ville choisie au hasard, Blois [voir aussi : Marguerite Bonnet, André Breton, œuvres complètes, tome 1 : chronologie, p. XLVIII].
(5) Où je me remémore qu’étant adolescent, au début des années soixante, nous étions romantiquement admiratifs de ces anarchistes du début du siècle qui lâchaient leurs bombes, simplement, comme on injurie la maréchaussée, et, maintenant, confrontés que nous sommes à l’actualité que nous ne pouvons que qualifier de brûlante, il est d’autres adolescents pour être admiratif. Et de tomber sur ce passage (p. 144) : « Ce qui me séduit dans ce jugement sur Goldberg et Charrier [militant anarchiste qui sera guillotiné en 1921], c’est la difficulté de prendre parti pour ou contre ». Encore une longueur d’avance.
(6) Un dénouement de l’amour libre très attendu : on se dit tout et c’est insupportable; à la fin, le doute, et tout le monde pleure. « Il n’y a pas, il n’y aura jamais de liberté dans l’amour. J’en ai fait bien malgré moi l’expérience, et des deux côtés à la fois » (p. 349). Dont acte.
Christian Oestreicher
André Breton, Lettres à Simone Kahn, Paris, Gallimard (« Collection blanche »), juin 2016.
Voir Infosurr, n° 126, juillet – août 2016, article de Jean-Pierre Lassalle