Pauvert […] fut un des grands éditeurs du surréalisme et de ses larges environs, en fait il est même un des trois éditeurs importants du surréalisme d’après-guerre, avec Éric Losfeld et François Di Dio. On ne peut s’empêcher de comparer Losfeld et Pauvert.
Comme Losfeld, Pauvert avait les mêmes passions ou à peu près et surtout le même goût du risque qui empêche de durer. Tous les deux, ils sont passés maîtres dans l’art de brouiller les pistes. Mais Pauvert a mieux su louvoyer et s’attacher des grands noms à côté de lui (il publia aussi Françoise Sagan dans les creuses années 80 et un prix Goncourt en 1972). On connait sa production – pour Losfeld c’est un véritable jeu de piste pour retrouver tous les items de son catalogue.
Losfeld désargenté a toujours fait faillite – Pauvert, quant à lui, avec de sombres histoires de rachat par de grands éditeurs et de comptes bancaires au Lichtenstein, a laissé une image plus trouble. Les dernières années, il avait gardé le label « éditions Jean-Jacques Pauvert » mais il avait vendu à Hachette la marque « Pauvert » qui est ensuite devenue une collection rattachée aux éditions Fayard… Pauvert a souvent confondu ou menti sur les tirages de ses livres – mais n’est-ce pas la marque des éditeurs qui ne vivent que pour éditer ? Losfeld fut un vrai anarchiste, Pauvert le fut aussi mais avec des élans très conservateurs voire réactionnaires.
Enfin Losfeld comme Pauvert ont eu la passion éditoriale des livres érotiques. Ils furent des habitués des prétoires à cause de nombreux procès pour outrages aux « bonnes moeurs » qu’ils ont dû subir. Au sujet de Pauvert, et même s’ils se sont fâchés, Losfeld a reconnu dans son autobiographie Endetté comme une mûle : « force m’oblige de dire que c’est un monstre sacré de l’édition »
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Extrait de l’article de Richard Walter, paru dans Infosurr n° 152.