[…] En 1967, Alain [Segura] rencontre des situationnistes, parmi lesquels Guy Debord et René Viénet, et dans le même cercle une femme plus âgée, Marianne Ivsic, dont le ton provocateur et l’extrémisme sans phrase le séduisent immédiatement. […]
De son immersion dans le surréalisme, elle avait gardé le sens de la formule poétique, comme l’atteste le seul texte d’elle que l’on connaisse, un tract de Mai 1968 considéré comme l’un des plus beaux et des plus saisissants qui aient été diffusés alors. Intitulé « Nous ne sommes rien, soyons tout » et signé « Une camarade yougoslave qui en sait long », il retrouve les accents des Paroles de Monelle : « Détruire le pouvoir sans le prendre. Détruire pour être l’autre et soi-même. La poésie vécue n’est pas autre chose ». […]
En mars 1969, avec quelques situationnistes et anciens membres du Conseil pour le maintien des occupations (CMDO), Marianne Ivsic va contribuer à réaliser un projet énoncé par les surréalistes dans les années 1950 : rétablir sur son socle vide, « à la proue des boulevards extérieurs », la statue de Charles Fourier fondue sur ordre de Vichy, comme tant d’autres, au profit de l’Allemagne nazie. Alain Segura rapporte sa véhémente défense de Charles Fourier face à un intellectuel ouvriériste qui n’y comprenait pas grand chose. Il n’en faudra pas plus pour que Guy Debord, fidèle à sa logique du dépassement avant-gardiste, l’appelle « la dernière surréaliste ».
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Extrait de l’article de Joël Gayraud paru dans le n° 161 d’Infosurr.
Marianne Ivsic : Alain Segura, Une Saison avec Marianne, « La dernière surréaliste », Bassac, éd. Plein Chant (« La Font secrète »), mars 2022.