(Sergio Claudio de Franceschi Lima, 28 décembre 1939, Pirassununga, Brésil – 25 juillet 2024, São Paulo, Brésil)
Il organisa dans les années soixante le groupe surréaliste brésilien puis survivra à la longue période de la dictature militaire pour continuer l’activité surréaliste : Sergio aura eu une vie exemplaire et un engagement surréaliste remarquable. Il fut un lecteur fidèle d’Infosurr. Hommage du groupe DeCollage (R. W.)
Dans sa jeunesse, Sergio Lima se passionne pour le merveilleux, le roman noir et les images projetées au cinéma, ce qui l’amène à étudier les courants les plus radicaux du romantisme, du symbolisme
et, enfi n, du surréalisme. Ses premières expériences poétiques avec l’écriture automatique (qui aboutirent aux Cantos à mulher nocturna, 1957) et avec les arts plastiques, à travers des peintures, des collages et des dessins (dont les exemples les plus marquants sont As aventuras do Máscara Negra et A tinta dos seus dentes, tous deux de 1956/1957), s’inscrivent dans une oeuvre souterraine qui va peu à peu se révéler de façon fulgurante.
[…] L’objectif de Lima était de travailler dans le sens d’un art total, dans lequel la poésie prévaudrait toujours en tant que puissance créatrice favorisant une liberté sans limites. Découvrir son travail, c’est traverser l’histoire du surréalisme et de sa présence transgressive au Brésil. Son vaste ouvrage, A aventura surrealista (2 tomes), donne une idée de son esprit curieux et passionné (cf. Infosurr, n° 106). Sergio, cherchant toujours à élargir ses activités à l’échelle internationale, a travaillé avec plusieurs groupes surréalistes de divers pays : la France, le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, les États-Unis et l’Argentine. Il a également été publié dans des revues et périodiques tels qu’Arsenal, Salamandra, Punto Seguido, Infossur, A Ideia, entre autres. Au Brésil, tout au long des années 1990 et 2000, il a été très proche du groupe surréaliste DeCollage, dont les actions collectives ont abouti, entre autres publications, au deuxième numéro de A Phala, revue du mouvement surréaliste publiée au Brésil en 2013 (cf. Infosurr, n° 106).
On peut constater que, des années 1950 à 2024, en plus de soixante ans d’activités qui attestent d’une vie entière axée sur le surréalisme et son pouvoir de transformation, Lima a vécu en témoignant d’un
surréalisme absolu.
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Extrait de l’article de Elvio Fernandes &
Alex Januário (traduit par Ameli Jannarelli) paru dans le n° 174 d’Infosurr.
Voir aussi l’hommage lors de son décès sur notre site : Sergio Lima
Traduction d’un témoignage inédit en français de Sergio Lima sur ces contacts avec le groupe surréaliste à Paris (traduit par Ameli Jannarelli) :
[…] Invité à participer au Mouvement pendant la période 1961-1962, mes débuts, pour ainsi dire, eurent lieu lors d’une exposition sui generis au café La Promenade de Vénus (en face des Halles), où le groupe se réunissait régulièrement. Ce soir-là, tous mes dessins et peintures (la quasi-totalité de ma production de 1956 à 1961) ont circulé jusqu’à une heure tardive, avec des commentaires, des doutes et des questions qui, d’une certaine manière, me reliaient et m’articulaient au groupe.
Les réunions régulières au café La Promenade de Vénus ont été l’occasion de divers échanges et expériences avec des auteurs représentant le groupe parisien, avec lesquels je suis resté en contact tous les deux jours pendant près d’un an, parfois dans le cadre du comité de rédaction de la revue La Brèche (la dernière dirigée par Breton et à laquelle j’ai collaboré directement pour deux numéros), ou avec Robert Benayoun, Toyen, Jean et Claire Markale, Arsène Bonafous-Murat, Alain Joubert, Nicole Espagnol, Mimi Parent et Jean Benoît, José Pierre, Jean Schuster, Joyce Mansour, Gérard Legrand, Radovan Ivsic, Annie Le Brun, Jorge Camacho, etc., ainsi qu’André Breton lui-même et Elisa, et mes amis Vincent Bounoure et Micheline.
Mes nombreuses activités avec les surréalistes pendant cette période, et dans les années suivantes, se retrouvent dans les revues du groupe et les publications collectives de l’époque, comme le manifeste de soutien à Luis Buñuel et contre l’interdiction du film Viridiana, publié dans la revue Positif par Robert Benayoun.
Mon séjour à Paris m’a également permis d’entrer en contact avec des personnalités travaillant dans des domaines variés, tels que la philosophie, la sociologie, le cinéma, la psychanalyse, l’histoire, les arts visuels et la littérature. Par exemple, Éric Losfeld, Nelly Kaplan, [André Pieyre de] Mandiargues, Julien Gracq, Georges Bataille, [Gaston] Bachelard, Clovis Trouille, Édouard Jaguer et Anne Ethuin. J’ai également rencontré Buster Keaton, Alain Resnais, [Fernando] Arrabal, Octavio Paz, [Alberto] Gironella, J.-B. Brunius, Georges Franju et Eugène Canseliet, disciple et biographe du maître occulte Fulcanelli, ainsi que des rencontres avec des personnalités actives et participantes au mouvement, mais non régulières, comme Meret Oppenheim, Pierre Molinier, Unica Zürn et [Hans] Bellmer. Beaucoup ont eu une participation formelle ou un militantisme de groupe dans des périodes antérieures, et d’autres, liés précisément au surréalisme, n’ont jamais participé au groupe par choix, comme Julien Gracq a tenu à le préciser.
Les multiples activités, intérêts et liens de tous ces personnages montrent la perméabilité du groupe et du mouvement surréaliste en général. Cette caractéristique est l’une des composantes du surréalisme lui-même, bien qu’elle heurte de front la fausse et proclamée « orthodoxie du groupe » – qui conviendrait mieux à une école formelle – mais ce n’est pas le cas du surréalisme, du mouvement surréaliste et du vecteur rebelle, voire anarchique, qui le caractérise le plus
(extrait de Sergio Lima, « Notas acerca do movimento surrealista no Brasil » (in Michael Löwy, A Estrela da Manhã, « Surrealismo e Marxismo », São Paulo, Boitempo, 2018).
