Archives de catégorie : Les acteurs et actrices

Notices sur les surréalistes, proches, critiques, recensés dans Infosurr

GÉRARD DUROZOI

Lorsque je boucle un numéro d’Infosurr, j’envoie toujours la maquette d’Infosurr à quelques amis rédacteurs pour qu’ils y traquent coquilles et autres obscurités que je m’obstine à ne pas voir. Gérard Durozoi fut toujours le premier à réagir, m’indiquant quand je pourrais avoir sa liste de corrections – et je n’ai jamais été déçu de sa ponctualité. Fin décembre 2022, j’envoie la maquette du n° 159 et je pars en vacances ; je ne reçois aucun mail de sa part, je traine un mauvais pressentiment qui s’est confirmé : Gérard Durozoi nous a quitté dimanche 8 janvier 2023 à l’âge de 80 ans.

 

Jusqu’au bout il a tenu la barre, écrivant, corrigeant, partageant des informations que lui seul savait. Il a eu le temps et l’énergie de m’envoyer sa préface à notre édition de la poésie de Jean-Michel Goutier que nous publierons au printemps 2023 à l’enseigne du Grand Tamanoir. Comme d’habitude, il n’y avait presque rien à redire à sa préface, brillante analyse des jeux de la langue et de la poésie. Cela volait haut avec Durozoi mais, comble de l’élégance, il faisait en sorte que cela soit toujours compréhensible.

Infosurr perd un de ses plus exigeants lecteurs et rédacteurs, je perds un compagnon d’aventure de 25 ans. J’attendais toujours avec plaisir ses courriers et ses mails, même quand il me recadrait sur des erreurs factuelles ou d’analyse – cela était toujours dicté par une haute exigeante de la critique et de l’amitié. Nous étions tous les deux passionnés par le surréalisme, tout en restant chacun lucide sur certains travers propres à tout mouvement artistique, qui plus est d’avant-garde. Nous avions à peu près les mêmes analyses et les mêmes préventions sur l’itinéraire de certains ou sur la qualité de certaines œuvres. Mais nous étions d’accord, sans trop de discours, pour toujours œuvrer positivement à faire connaitre ce qui le méritait.

Gérard était d’une grande discrétion sur sa vie. Il y a juste au détour d’une lettre que j’ai appris  – de manière très discrète – ses performances artistiques, à l’aube des années 70, en pleine nature dans le sud de la France. Nous évitions de parler cinéma car sinon « Infosurrétait foutu » comme il disait. Il fallait être sérieux tout ne n’oubliant quand même pas de pratiquer l’humour : Gérard ne perdait jamais l’occasion d’un trait d’esprit sans tomber dans le caniveau. C’est à lui qu’on doit la rubrique « Du Goudron et des Plumes » dans Infosurr et il s’en donnait à cœur joie.

Professeur agrégé de philosophie, Gérard restera comme un des grands connaisseurs et valorisateurs du surréalisme et de ses idées. Il y a bien sûr sa monumentale Histoire du mouvement surréaliste, plusieurs fois remise sur l’établi (Paris, Hazan, 1997 & 2004) et de nombreuses préfaces, textes ou articles sur le surréalisme ou ses participants. Étudiant je me souviens d’avoir beaucoup annoté son Surréalisme – théories, thèmes, techniques (avec Bernard Lecherbonnier, 1972). Je crois que la plus ancienne référence que j’ai trouvée était sa participation en 1970 aux Cahiers du soleil noir, n° 3, sur L’Internationale Hallucinex, « revue-tract à détruire », avec déjà une préface de Goutier.

Mais ses antennes allaient bien au-delà du surréalisme – heureusement. Il publiait beaucoup avec toujours la même exigence de style et de regard ; sa machine à penser était aussi puissante que sa machine à écrire était rapide. Il est même l’auteur d’un essai sur Samuel Beckett et de nombreux manuels scolaires et dictionnaires de philosophie. Dans sa bibliographie, on peut y trouver des essais sur Matisse, Botero, un ouvrage de référence sur Le Nouveau réalisme(2007), un Journal de l’art des années 60 (2008) et dernièrement un bel ouvrage consacré aux Histoire(s) insolite(s) du patrimoine littéraire(2019). Et puis le pamphlétaire ne pouvait pas s’empêcher de remettre les points sur les i et le vide au centre de certaines modes (son hilarant et juste Ras le bol Warhol et cie !, « Contre la pauvreté des images », 2019).

Cette clarté du style, cette acuité du regard, cette hauteur de vue, cet humour intelligent, vont considérablement nous manquer. Raison de plus que de continuer Infosurr. Toutes nos condoléances et notre soutien à Sophie, compagne de toute une vie de cet élégant gentilhomme. (Richard Walter)

Jacques Lacomblez sur Paul Joostens

Suite au billet de Ben Durant sur Paul Joostens publié sur notre site, voici un entretien inédit avec  Jacques Lacomblez par Ben Durant à propos de Paul Joostens (entretien réalisé le 7 septembre 2016).

Jacques, j’aimerais te questionner sur les rapports que tu as vécu avec Paul Joostens dans les années 50. Rappelons que ce dernier était né à Anvers en 1889 et qu’il y est décédé en 1960.

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Madeline Turban

En surimpression sur la photographie de Tristan Tzara par Man Ray

 

Madeleine Turban est évoquée dans certaines biographies de Duchamp, par exemple le Marcel Duchamp – La Vie à crédit de Bernard Marcadé (Flammarion, 2007). Deux pages en particulier lui sont consacrées dans le « Plan pour écrire une vie de Marcel Duchamp » de Jennifer Gough-Cooper et Jaques Caumont, accompagnement du déroulement de son existence jusqu’au départ des USA le 13 août 1918. Pontus Hulten, directeur du Musée national d’art moderne au Centre Georges Pompidou, l’avait accueilli en 1977 dans un livret richement illustré, Marcel Duchamp (voir p. 88-89 ; portrait de Madeleine Turban p. 92).

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Claude Courtot (1939 – 2018)

« Je refuse de m’identifier à mes faits et gestes quotidiens » Cette phrase est de l’auteur de Bonjour Monsieur Courtot ! (Éditions Ellébore, 1984, dirigées par Jean-Marc Debenedetti). Les circonstances qui conduisent à sa disparition le 5 août 2018 relèvent très exactement de ce quotidien dont l’ensemble de son oeuvre, de livre en livre, s’extrait de toutes ses forces par une inflexible résolution de l’imagination. Claude Courtot ne craignait pas le mot « oeuvre », par quoi il faut surtout entendre, en l’occurrence, la construction patiente et insistante d’un ensemble de relations inaperçues entre des événements, des éléments culturels et des émotions, échappant à la lassante répétition des formules apprises par coeur auprès des mentors majuscules, comme à l’infidélité oublieuse de ce qui éternellement (dirait Ferdinand Alquié et quelques autres) récuse ici et maintenant la volatilité généralisée.

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Jean-Michel Goutier (1935 – 2020)

(15 août 1935, Montréal La Cluze  – 27 août 2020, Bonneuil-sur-Marne)

Jean-Michel Goutier était d’une génération dont quelques-uns ont trouvé dans la guerre d’Algérie la source d’une révolte comparable à celle que la Première Guerre mondiale a provoquée chez les Dadas et futurs surréalistes : sa rencontre avec le groupe rassemblé autour d’André Breton était donc nécessaire.

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Kati Horna au Musée Cobra d’Amstelveen, 2019

Quand on cherche des informations sur la photographe surréaliste Kati Horna (1912-2000) dans l’ouvrage de référence Les Mystères de la chambre noire (1982) par Édouard Jaguer, on ne trouve pas son nom. C’est que Hora était quasiment inconnue hors du Mexique, son pays d’immigration après ses trois exils : en 1933, de son pays de naissance, la Hongrie devenue antisémite ; en 1938 de l’Espagne devenue fasciste ; en 1939 de Paris, devenu dangereuse pour une juive réfugiée après la déclaration de guerre de la France aux nazis.

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