Archives de catégorie : Les acteurs

Notices sur les surréalistes, proches, critiques, recensés dans Infosurr

Giovanna

Giovanna, après une vie intense, sans concessions et fidèle à ses idées, nous a quitté mardi 20 février 2024, à l’âge de 92 ans. Avec elle, disparait une des dernières témoins du groupe surréaliste des années 60 – alors que l’année 2024 est annoncée comme l’année du centenaire du surréalisme.

Une de nos plus anciennes et fidèles abonnées.

Voir la page Départ de Giovanna sur le site des éditions du Grand Tamanoir.

Claude Gauvreau, Le Vampire et la Nymphomane

Esprit rebelle, anticlérical et libertaire, Claude Gauvreau  n’a pas vingt ans lorsqu’il commence  à écrire des « objets dramatiques », textes vocaux,  « pour  l’ouïe  », « nullement  destinés à la vue » qu’il regroupera sous le nom d’Entrailles. D’emblée  il adopte un lyrisme surréaliste nourri d’images poétiques présentant comme  le voulait Pierre Reverdy « le degré d’arbitraire le plus élevé », à quoi s’ajoutent des mots-valises à la manière de Lewis Carroll, et jusqu’à une poésie de mots inventés faisant écho à certains poèmes Dada ou à Finnegans Wake de Joyce :

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JACQUES CALONNE

(10 août 1930, Mons, Belgique – 7 février 2022, Bruxelles, Belgique)

Musicien, dessinateur, écrivain et comédien, il a 19 ans lorsque le compositeur André Souris lui fait prendre conscience de la nécessité du système dodécaphonique juste avant de rencontrer Christian Dotremont et Pierre Alechinsky, s’intégrant aussitôt dans le groupe CoBrA fraîchement créé en novembre 1948.

 

Calonne expose alors un Océan inoffensif dans L’Objet à travers les âges, première exposition du groupe au Palais des beauxarts à Bruxelles en 1949. Dotremont le présente ainsi dans le n° 6 de la revue Cobra :

« Acteur de théâtre, musicien, peintre et poète. Il ne buridane pas. Nous lui devons un concerto dodécaphonique, d’extraordinaires dessins où les phrases deviennent des arbres, des mains, des paysages touffus, jamais des calligrammes. […] Calonne est le plus lyrique des poètes expérimentaux belges. »

[…] Dotremont disparaît en 1979 et comme l’écrit Pierre Alechinsky en 1991 dans la préface de Facéties et compagnie de Christian Dotremont :

« Jacques Calonne est devenu le collecteur naturel des blagues de Christian Dotremont. Le mot blague est faible. J’opterais pour farce, pour facétie. Christian reconnaissait en Jacques l’esprit goguenard de résistance déjà expérimenté par lui-même au collège. » […]

Jacques Calonne,, Dirigé, 1969Jacques Calonne,, Dirigé, 1969

Extrait de l’article de Ben Durant paru dans le n° 160 d’Infosurr.

Bibliographie :

  • Jacques Calonne, Facéties et compagnie de Christian Dotremont, Quadri, Bruxelles, 1991, préface de Pierre Alechinsky
  • Jacques Calonne, par coups détachés, Quadri, Bruxelles, 1990, textes de Christian Dotremont & Michel Doutreligne

Jacques Calonne, Océan inoffensif, objet poème, 1949

Jacques Calonne, Océan inoffensif, objet poème, 1949

 

GÉRARD DUROZOI

Lorsque je boucle un numéro d’Infosurr, j’envoie toujours la maquette d’Infosurr à quelques amis rédacteurs pour qu’ils y traquent coquilles et autres obscurités que je m’obstine à ne pas voir. Gérard Durozoi fut toujours le premier à réagir, m’indiquant quand je pourrais avoir sa liste de corrections – et je n’ai jamais été déçu de sa ponctualité. Fin décembre 2022, j’envoie la maquette du n° 159 et je pars en vacances ; je ne reçois aucun mail de sa part, je traine un mauvais pressentiment qui s’est confirmé : Gérard Durozoi nous a quitté dimanche 8 janvier 2023 à l’âge de 80 ans.

 

Jusqu’au bout il a tenu la barre, écrivant, corrigeant, partageant des informations que lui seul savait. Il a eu le temps et l’énergie de m’envoyer sa préface à notre édition de la poésie de Jean-Michel Goutier que nous publierons au printemps 2023 à l’enseigne du Grand Tamanoir. Comme d’habitude, il n’y avait presque rien à redire à sa préface, brillante analyse des jeux de la langue et de la poésie. Cela volait haut avec Durozoi mais, comble de l’élégance, il faisait en sorte que cela soit toujours compréhensible.

Infosurr perd un de ses plus exigeants lecteurs et rédacteurs, je perds un compagnon d’aventure de 25 ans. J’attendais toujours avec plaisir ses courriers et ses mails, même quand il me recadrait sur des erreurs factuelles ou d’analyse – cela était toujours dicté par une haute exigeante de la critique et de l’amitié. Nous étions tous les deux passionnés par le surréalisme, tout en restant chacun lucide sur certains travers propres à tout mouvement artistique, qui plus est d’avant-garde. Nous avions à peu près les mêmes analyses et les mêmes préventions sur l’itinéraire de certains ou sur la qualité de certaines œuvres. Mais nous étions d’accord, sans trop de discours, pour toujours œuvrer positivement à faire connaitre ce qui le méritait.

Gérard était d’une grande discrétion sur sa vie. Il y a juste au détour d’une lettre que j’ai appris  – de manière très discrète – ses performances artistiques, à l’aube des années 70, en pleine nature dans le sud de la France. Nous évitions de parler cinéma car sinon « Infosurrétait foutu » comme il disait. Il fallait être sérieux tout ne n’oubliant quand même pas de pratiquer l’humour : Gérard ne perdait jamais l’occasion d’un trait d’esprit sans tomber dans le caniveau. C’est à lui qu’on doit la rubrique « Du Goudron et des Plumes » dans Infosurr et il s’en donnait à cœur joie.

Professeur agrégé de philosophie, Gérard restera comme un des grands connaisseurs et valorisateurs du surréalisme et de ses idées. Il y a bien sûr sa monumentale Histoire du mouvement surréaliste, plusieurs fois remise sur l’établi (Paris, Hazan, 1997 & 2004) et de nombreuses préfaces, textes ou articles sur le surréalisme ou ses participants. Étudiant je me souviens d’avoir beaucoup annoté son Surréalisme – théories, thèmes, techniques (avec Bernard Lecherbonnier, 1972). Je crois que la plus ancienne référence que j’ai trouvée était sa participation en 1970 aux Cahiers du soleil noir, n° 3, sur L’Internationale Hallucinex, « revue-tract à détruire », avec déjà une préface de Goutier.

Mais ses antennes allaient bien au-delà du surréalisme – heureusement. Il publiait beaucoup avec toujours la même exigence de style et de regard ; sa machine à penser était aussi puissante que sa machine à écrire était rapide. Il est même l’auteur d’un essai sur Samuel Beckett et de nombreux manuels scolaires et dictionnaires de philosophie. Dans sa bibliographie, on peut y trouver des essais sur Matisse, Botero, un ouvrage de référence sur Le Nouveau réalisme(2007), un Journal de l’art des années 60 (2008) et dernièrement un bel ouvrage consacré aux Histoire(s) insolite(s) du patrimoine littéraire(2019). Et puis le pamphlétaire ne pouvait pas s’empêcher de remettre les points sur les i et le vide au centre de certaines modes (son hilarant et juste Ras le bol Warhol et cie !, « Contre la pauvreté des images », 2019).

Cette clarté du style, cette acuité du regard, cette hauteur de vue, cet humour intelligent, vont considérablement nous manquer. Raison de plus que de continuer Infosurr. Toutes nos condoléances et notre soutien à Sophie, compagne de toute une vie de cet élégant gentilhomme. (Richard Walter)

Jacques Lacomblez sur Paul Joostens

Suite au billet de Ben Durant sur Paul Joostens publié sur notre site, voici un entretien inédit avec  Jacques Lacomblez par Ben Durant à propos de Paul Joostens (entretien réalisé le 7 septembre 2016).

Jacques, j’aimerais te questionner sur les rapports que tu as vécu avec Paul Joostens dans les années 50. Rappelons que ce dernier était né à Anvers en 1889 et qu’il y est décédé en 1960.

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